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La Chine à l’Ouest ?

En 2017 sera inaugurée la ligne de TGV Pékin-Urumqi et la durée du trajet de la capitale nationale à celle de la région autonome du Xinjiang passera ainsi de 41 à 16h (1). Cette information montre très clairement la volonté de Pékin de continuer la politique qu'elle applique dans la région du Xinjiang afin d'y affirmer son autorité.

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Xinhua/Cai Zengle

Le gouvernement Chinois n’a par ailleurs pas l'intention de limiter ses actions au peuplement et à l'exploitation économique de son Grand-Ouest, son objectif est d'étendre son influence en Asie centrale et particulièrement aux ex-républiques de l'Union Soviétique comme le Kazakhstan. Par le biais de son implication croissante dans ses régions frontalières avec l'Asie Centrale mais également grâce au réchauffement de ses relations avec la Russie, Pékin accède à une nouvelle situation géopolitique à son avantage dans cette région du monde. Toutefois, la récente omniprésence chinoise en Asie Centrale soulève un certain nombre d'interrogations et d’inquiétudes. Procédons ainsi à l’analyse des relations Sino-Kazakhstanaise à travers le rôle central du Xinjiang.

Que l’on soit aujourd’hui Ouïghour, Hui ou Kazakh, il semblerait qu’une obéissance envers les Hans soit désormais fermement ancrée dans les nouvelles habitudes culturelles, ou presque...

Pour clarifier la situation actuelle du Xinjiang et plus globalement celle de la Chine, il parait essentiel d'identifier et d'analyser les différentes stratégies mises en place dans le processus de progression vers l'Asie Centrale.

Xinjiang, comprendre le processus Chinois

L’usage tend à présenter le Xinjiang comme une région enclavée, en marge culturelle du territoire chinois, où un passé tumultueux et un sous-développement ont laissé place à un séparatisme important.

Renommé Xinjiang (« nouvelle frontière » en chinois) lors de son rattachement à l'Empire du Milieu, cette province de la Chine, autrefois appelée "Turkestan oriental", peut être considérée comme géographiquement et culturellement plus proche des pays de l’Asie Centrale que de la Chine elle-même (2).

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Occupée par une multitude d’ethnies (voir carte ci-dessus), elle se présente aujourd'hui majoritairement comme un objet touristique pour la population des Han. Annexée à la Chine par Mao Tsé-Toung en 1949, l’intégration de cette province à la Chine et plus spécifiquement de cette multiplicité d'ethnies à la population chinoise, est actuellement la source d'importants questionnements.

Korla, exemple des effets du Bingtuan

Lieu de passage et nœud principal des échanges économiques et culturels entre l’Orient et l’Occident, le Xinjiang est un lieu où religions et cultures se mélangent depuis l'Antiquité. Le 25 septembre 1949, la région du Xinjiang a connu l'implantation d'une administration militaire et politique nommée "Bingtuan".

Système de colonies militaro-agricoles, cette organisation fut le principal vecteur de migration Han et joua un rôle important dans la transformation de la région jusqu'à la fin des années 1970. La découverte de richesses minières et énergétiques (or, cuivre, fer, charbon, uranium, pétrole...) a motivé la Chine à prendre la région en main, dirigeant ainsi la mission officielle du Bingtuan vers le développement de l’économie et le maintien de la stabilité sociale dans la région. Korla situé au nord du Tarim est l'exemple même de l'apport Chinois. Centre administratif pour l'exploitation du pétrole et du gaz dans le bassin du Tarim, la population urbaine y a explosé à travers les migrations. Aujourd'hui constituée à 70% de Han, la ville connaît une forte transformation sociale et économique. (3)

Développement des infrastructures

En 1949, il n'y avait au Xinjiang que quelques routes praticables d'une longueur totale de 3.361 km. Fin 2001, elles atteignaient les 80.900 km (4). Cette avancé est due à l'installation d'une ligne de chemin de fer, impulsée par Pékin. Celle-ci a permis la construction et le peuplement de plusieurs villes Han tel que Korla. Le Nord de la province (bassin de la Dzoungarie) fut le premier lieu investit par les Hans, l’engagement chinois au nord étant principalement dû à la meilleure qualité des terres agricoles. Mais aujourd’hui le Nord développé, le processus se dirige désormais vers le bassin du Tarim au sud. C’est dans la volonté d’asseoir sa position dans la région que Pékin vise le désenclavement, provoquant par conséquent la naissance de plusieurs lignes de TGV ces dernières années (5).

Le Kazakhstan, plaque tournante

En 2006 est signé "une stratégie de coopération au XXIe siècle" et le Kazakhstan et la Chine voient en l'un et l'autre l'opportunité d'établir des relations économiques durable. L'accès aux technologies apporté par Pékin au Kazakhstan lui confère un gain de croissance conséquent, et permet à la Chine d'obtenir en contrepartie un accès aux matières premières du pays. En résulte ainsi une augmentation du poids des exportations entraînant alors une dépendance du Kazakhstan envers Pékin.

De surcroît, l'arrivé des entreprises chinoises dans le pays a conduit à l'implantation du droit du travail chinois, permettant dès lors au gouvernement d’étendre son influence et de s'octroyer des nouveaux leviers d'actions pour agir sur le pays en cas de tensions politiques. Cette nouvelle prise d'influence chinoise, facilement qualifiable de « droit d’ingérence » à deux facettes : d'une part, elle met à mal l'autonomie du pouvoir Kazakhstanais6, de l'autre, elle garantit une nouvelle stabilité dans cette région du monde.

L'ex-pays de l'Union Soviétique fait donc office de pivot en Asie centrale et l'influence chinoise dans ce pays offre à Pékin une expansion économique rapide vers le reste des pays de cette zone. Ainsi, les relations entre ces deux pays ne sont possibles que grâce au Xinjiang, celui-ci faisant office de rampe de lancement pour la Chine. Le rôle majeur qu’entretient la province dans ses relations avec Kazakhstan, confère des opportunités aux investisseurs Chinois et Kazakhstanais. La région est également devenu incontournable dans la géopolitique chinoise grâce à ses zones frontalières (dont plusieurs sont devenues des zones économiques libre6 ), qui ont permis par l'implantation et le développement des échanges, d’asseoir la position chinoise en Asie Centrale.

Questions géopolitiques

Depuis le réveil Chinois, la croissance en Asie Centrale est en marche ininterrompue, et, dans son élan, Pékin stimule et développe de manières positives des régions auparavant inexploitées, comme le Xinjiang. Mais, derrière ces avancées, se cachent des intérêts tierces généralement d'ordre géopolitique, entre les deux grandes puissances historiques de cette région, la Chine et la Russie. Pour prendre un exemple, le récent conflit Ukrainien a permis à la Russie de se rapprocher un peu plus de la Chine et de laisser place à une confirmation de l’opposition anti-américaine, qui lie ces deux pays depuis la création de la République Populaire de Chine. La montée de l'influence Chinoise sur les pays de l'Asie centrale ouvre alors un territoire immense pour un acteur puissant et déterminé ainsi qu'une porte sur un nouveau jeu d'alliances avec un de ses plus anciens partenaires : la Russie.

Geoffrey Rebillou

Geoffrey.rebillou@gmail.com 

1. Les Echos publie en 2014 un article à l’occasion de l’inauguration du TGV entre Lanzhou et le Xinjiang.
2. Rémi Castets publie en 2004 un article pour le centre de recherche internationale de science politique s’intitulant « Opposition politique, nationalisme et islam chez les Ouïgours du Xinjiang ».
3. Tom Cliff publie en 2013 un article traitant de l'urbanisme dans la nord-ouest de la Chine, l'objectif est d'analyser les processus et les effets de l'urbanisation sur plusieurs villes du Xinjiang.
4. Le site FrenchChina publie en 2003 un article nommé "L'histoire et le développement du Xinjiang".
5. Extraits Atlas des minorités musulmanes en Asie méridionale et orientale publié en 2010 par l'IRA SEC.
6. Sébastien Peyrouse publie en 2008 dans Perspectives chinoises, le document évoque la présence économique chinoises au Kazakhstan.