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Entre coopération accrue et différends croissants, quelles perspectives pour les relations sino-européennes ?

L’Europe et la République Populaire de Chine entretiennent depuis plus de quarante ans des relations diplomatiques, qui ont parfois été ponctuées de crises et de contentieux.

Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union Européenne pour les Affaires Étrangères et la Sécurité et Vice-Présidente de la commission européenne, avec Wang Yi, Ministre des affaires étrangères, a Beijing le 6 Mai 2015

Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union Européenne pour les Affaires Étrangères et la Sécurité et Vice-Présidente de la commission européenne, avec Wang Yi, Ministre des affaires étrangères, à Beijing le 6 Mai 2015.

C’est en 1975, dans le contexte de la Détente, que la Chine et la Communauté Économique Européenne (CEE) se reconnurent mutuellement permettant ainsi à la République de Chine Populaire de renfoncer sa réintégration dans le système international, déjà amorcée par son entrée à l’ONU en 1971.

Si, aux yeux des européens, cette relation avait pour principal objectif de dynamiser les échanges commerciaux à destination de la Chine, l’intérêt de cette dernière pour l’Europe était essentiellement motivé par des considérations géopolitiques. Les dirigeants chinois n’eurent ainsi de cesse d’encourager la construction d’une Europe forte, capable de constituer un contrepoids occidental à l’URSS et ainsi atténuer la pression soviétique sur leurs propres frontières.

Les relations sino-européennes se renforcèrent jusqu’en juin 1989, où les événements de Tiananmen gelèrent toute relation entre les deux entités pendant une année. Un embargo européen sur les exportations d’armes à destination de la Chine fut même décrété. Mais en dépit de ces mesures et de la question des droits de l’homme, cet embargo fut largement contourné par les États-membres, notamment au moyen de contrats de « technologie mixte », permettant un usage civil mais aussi militaire des technologies vendues à la Chine.

Les échanges commerciaux n’ont cessé de croître après la reprise du contact. L’Union Européenne est ainsi le premier partenaire commercial de la Chine depuis 2004 et la Chine constitue le deuxième partenaire de l’Europe, pour un total avoisinant les 500 milliards d’euros en 2015.

Mais depuis l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001 avec le statut « d’économie non marchande », de nombreux litiges - de dumping notamment - ont émaillé cette relation commerciale.

La dernière en date est celle concernant la production sidérurgique. Avec près de 800 millions de tonnes d’acier produit l’an dernier, la production chinoise représente près de 50% de la production mondiale, tandis que la production européenne en représente 11%. Or, la production chinoise est subventionnée par l’État, conduisant non seulement à la surproduction d’acier mais aussi à une chute des prix nuisibles pour les concurrents, et en premier lieu les producteurs européens. Bien que l’État chinois se soit engagé à lutter contre la surproduction, cette situation inquiète les européens. Cet exemple, parmi d’autre, dissuade pour l’heure la Commission européenne, responsable de la politique commerciale des 28 États membres de l’Union à l’OMC, d’accorder le statut « d’économie de marché » à la Chine, comme il est prévu à la fin de l’année. Ce changement de statut empêcherait l’UE de mener de futurs enquêtes antidumping et antisubventions, alors qu’actuellement, 80% des enquêtes européennes visent la Chine.

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Au-delà des considérations commerciales, les relations entre la Chine et l’Union Européenne se renforceront probablement car elles auront à faire face à des défis communs. Il leur faudra en effet se préparer au vieillissement démographique de leurs populations. Alors que la proportion des personnes de plus de 65 ans atteint aujourd’hui 12% de la population totale en Europe et en Chine, les projections à l’horizon 2050 portent cette part à 23% dans les deux espaces. Cela représentera ainsi près de 300 millions de personnes, dont près de 100 millions de plus de 85 ans dans le cas chinois. En Europe, les personnes âgées représenteront plus de 125 millions d’individus sur une population totale de 520 millions d’habitants.

Les deux entités politiques seront aussi amenées à coopérer davantage dans la lutte contre le réchauffement climatique, dont les multiples conséquences se font déjà sentir dans ces deux espaces.

Un premier acte symbolique a été pris lors de COP21 en décembre dernier. Mais il faudra également penser l’évolution des politiques énergétiques en faveur des énergies décarbonatées. La Chine sera incontournable dans ce domaine, puisqu’elle possède 75% des réserves mondiales et produit actuellement 97% des terres rares - métaux indispensables pour la production d’énergies renouvelables.

Dans leurs intérêts communs, la Chine et l’Union Européenne devront à l’avenir dépasser leurs contentieux commerciaux et renforcer leurs relations dans les autres domaines. Des initiatives ont ainsi déjà été prises dans le domaine culturel, en septembre 2015. Elles visent notamment à permettre aux flux croissants de touristes chinois d’être mieux accueilli lors de leurs séjours en Europe, et réciproquement, de favoriser l’installation des principaux tenants de l’industrie culturelle européenne en Chine. Cette volonté de « fluidifier » les échanges entre les deux extrémités du continent eurasiatique présage ainsi de la volonté commune d’œuvrer à la future amélioration des relations sino-européennes.

Jean Charles Galli

Contact : jeancharlesgalli@gmail.com